Un métier dans la valise
- Le 2023-02-23
En 2018, je venais de rentrer d’une expatriation de quatre ans en Ouganda quand j’ai répondu aux questions de NetExpat sur le fait de partir en expatriation à l’étranger tout en continuant à corriger... la langue française. Mes réponses me semblent toujours d’actualité à l’heure où la tendance est au nomadisme digital.
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Sophie, vous êtes correctrice depuis treize ans, un métier que vous avez pu exercer en France et à l’étranger. Parlez-nous de ce métier de l’édition peu connu.
Le métier de correcteur est aussi ancien que l’écriture elle-même mais reste méconnu, en effet.
Pourtant, il est indissociable de l’édition. Pas un livre n’est édité sans être passé entre les mains d’un correcteur.
La correction orthographique professionnelle consiste à pointer les erreurs d’orthographe, de grammaire, de syntaxe et de ponctuation dans un texte écrit. Elle permet également de débusquer les coquilles et d’appliquer les règles de typographie en vigueur. Être correcteur ne signifie pas seulement « être bon en orthographe » !
Aujourd’hui, une grande part des correcteurs sont indépendants et travaillent non seulement pour l’édition mais également pour le monde éditorial au sens large, presse, agences de communication, webmestres… et pour les particuliers se lançant dans l’écriture.
Ce métier est-il exportable dans n’importe quel pays ? Comment trouver une clientèle ?
Dans la mesure où c’est une activité que l’on pratique chez soi, du moins quand on est indépendant, oui, c’est un métier exportable. C’est ce que j’ai fait quand mon époux a été affecté en Ouganda. Cela étant, la correction concernant la langue française, ce n’est pas une activité professionnelle que l’on peut exercer localement partout dans le monde. Des communautés françaises et francophones sont présentes un peu partout, mais elles restent selon moi trop limitées comme vivier de clients locaux suffisant pour un correcteur expatrié. Or il convient de toujours rester au contact de la clientèle potentielle, en France et ailleurs. Il faut donc impérativement compenser son éloignement par une vitrine dématérialisée, afin de toucher sa clientèle à distance (un site Internet, un blog…). Et, cela va sans dire, s’assurer de pouvoir bénéficier d’une connexion Internet fiable, pour pouvoir échanger documents et discussions avec ses clients.
Vous avez démarré votre carrière dans la recherche scientifique avant de vous réorienter vers ce métier de correcteur. Comment devient-on correcteur ?
Voici ce que dit le journaliste Pierre Assouline au sujet des correcteurs : « Les éléments constitutifs de la névrose du correcteur : sens hyperbolique du détail, obsession de la vérification, goût pathologique de la précision, maniaquerie en toutes choses […] » ! Ne pourrait-on pas appliquer cette description à un chercheur ?
Voilà pourquoi, il me semble, il n’est pas aussi incongru qu’il n’y paraît de passer de la recherche scientifique à la correction. En tout cas, la rigueur et le perfectionnisme que j’ai acquis grâce à mes études scientifiques sont des atouts pour moi aujourd’hui en tant que correctrice. Sans parler de la culture générale.
Même s’il n’existe pas de diplôme de correcteur, plusieurs formations en donnent les compétences. Pour ma part, étant donné que c’était une réorientation, je suis passée par les cours du soir du Centre d’écriture et de communication, à Paris. Car le métier de correcteur s’acquiert bel et bien, et il nécessite selon moi une formation spécifique, parce que, aussi « bon en orthographe » soit-on, on n’apprend pas tout sur les bancs de l’école, les règles de typographie, par exemple. La formation enseigne aussi et surtout à aiguiser son regard !
Quels conseils donneriez-vous à un(e) conjoint(e) d’expatrié(e) qui veut se lancer dans ce métier ?
Se former, pour commencer, bien sûr.
Et ensuite de bien réfléchir à sa stratégie de communication et de prospection selon le pays d’expatriation (clientèle locale potentielle, fiabilité du réseau Internet, voire du réseau électrique, réglementation du pays concernant les conjoints travaillant…). Une chose importante que j’ai apprise dans l’exercice de ce métier en tant qu’indépendante, c’est qu’il ne suffit pas de posséder un savoir-faire pour en vivre, encore faut-il savoir et pouvoir le vendre, et ce n’est pas le plus facile, encore moins à distance.
Et quels sont vos projets maintenant que vous êtes de retour en France ? Comment la communauté NetExpat peut-elle contribuer à votre réussite ?
Au moment de mon retour en France, je me suis dit qu’il valait peut-être mieux que je recherche un emploi salarié, plus stable et avec une rémunération fixe et régulière.
Mais je suis attachée à ce métier (qui n’embauche plus beaucoup…) et au statut d’indépendante, qui me permet de concilier au mieux mon travail et ma vie de famille. D’autre part, j’ai voulu rester fidèle à mes clients fidèles, car ce métier m’a aussi permis de belles rencontres.
Mon projet aujourd’hui est donc simplement de « travailler plus pour gagner plus », et pour cela de développer ma clientèle. La communauté NetExpat est immense, riche et cosmopolite. J’espère qu’elle sera source pour moi d’opportunités de rencontres et de travail par le développement de mon réseau et de ma visibilité.